JO de Pékin : derrière la surenchère d’hypocrisies
Le passage de la flamme olympique à Paris le 7 avril a donné lieu à un spectacle lamentable. Les « idéaux » olympiques ont été ridiculisés. L’ont-il été davantage que d’habitude ? Le principe, inscrit dans la Charte, du refus de toute instrumentalisation du sport et des athlètes à des fins politiques et commerciales, est tombé en désuétude depuis longtemps, s’il a jamais été respecté. La défense des valeurs de l’olympisme est déjà souvent sinon toujours une hypocrisie.
De la confusion fortement médiatisée de cette journée d’avril à Paris, des actes et positions diverses qui ont été montrés, il ressort un message unique : la Chine, le régime chinois, sinon les Chinois, sont des méchants pour rester sur le niveau de langage de Bush.
La formule définitive est prononcée : ils ne respectent pas les Droits de l’Homme. Ils s’abattent sur les malheureux Tibétains. De surcroît, ils sont médaille d’or en langue de bois…
Le constat de cette vérité tout à coup redécouverte fait quasiment l’unanimité, des personnalités en vue aux associations prétendument humanitaires (avec la palme pour Reporters sans frontières, groupe de pression notoirement financé par la CIA), du gouvernement à quasiment tous les partis, jusqu’à la direction de notre parti, le PCF.
Les propositions de réaction vis-à-vis de la Chine différent. Mais tous se sont crus obligés de participer à la campagne mondiale orchestrée contre la Chine. Pourtant la situation du Tibet n’est pas nouvelle. Les événements récents, si largement diffusés dans le monde méritent également d’être analysés aussi bien quant à leur déclenchement qu’à leurs répercussions réelles.
Les violations permanentes des Droits de l’Homme en Irak, en Palestine, du droit international au Kosovo… ne donnent pas lieu à de telles campagnes, bien que les crimes soient avérés et des résolutions de l’ONU soient bafouées. Que dire de la légalisation de la torture aux Etats-Unis ? La sensibilité aux Droits de l’Homme de certains est sélective, celle d’autres facilement manipulable. Là encore cette hypocrisie n’est pas une découverte.
Les Jeux olympiques sont devenus un moment fort de la politique internationale, retenant l’attention de l’opinion publique mondiale. En 1980, le boycott par les Etats-Unis et leurs affidés des Jeux de Moscou, a été un symbole et un acte de la guerre, froide, livrée sans relâche jusqu’au bout contre le camp socialiste. En 2008, les rapports entre l’impérialisme américain (et son vassal, l’UE) et la puissance montante chinoise sont plus complexes. L’immense croissance productive chinoise s’effectue sur un mode capitaliste, avec des liens commerciaux et financiers très importants avec le capitalisme occidental. La Chine, superpuissance en devenir, également sur le plan militaire, est-elle un partenaire, un rival, un adversaire de la triade capitaliste USA-Europe-Japon ? Plus ou moins les trois à la fois.
C’est comme cela que nous pouvons interpréter les événements préolympiques. Il est impensable pour les gouvernants occidentaux de pousser jusqu’à la rupture avec la Chine que signifierait un boycott. Mais il n’est pas question non plus de laisser la Chine accéder, sans opposition, à l’occasion des JO, à un nouveau degré du développement politique de sa puissance. L’impérialisme occidental fait donc monter ses brigades légères : les media et les ONG à son service qu’il a considérablement développées depuis 1980. Se cacher devant un mouvement que l’on fomente soi-même : troisième hypocrisie.
Une cause facile, soutenue par l’idéologie dominante : de quoi attirer en France tous les opportunistes associatifs et politiques, de quoi abuser certains bons sentiments. On est évidemment bien loin des préoccupations du peuple tibétain.
Communistes français, quelle doit être notre position ?
Surtout pas d’aboyer avec les loups !
Refusons toute instrumentalisation des JO dans notre pays ! Ne rentrons pas dans la campagne antichinoise, dans la logique d’ingérence !
La position du secrétariat national du PCF n’engage que lui, elle n’a même pas été discutée en CN. Accuser Sarkozy de timidité dans sa condamnation de la Chine qui plus est parce qu’il serait sous l’influence de Bush, c’est un contresens! La campagne anti-chinoise est bien pilotée de Washington et non le résultat d’une poussée soudaine d’altermondialisme. Appeler les chefs d’Etats européens pour que l’UE intervienne « pour une issue politique au Tibet », c’est, de surcroît, rentrer la notion illusoire et dangereuse « d’Europe puissance », d’un impérialisme qui serait autonome de celui des Etats-Unis.
Pour autant, malgré l’exaspération que la mise en scène médiatique et politique peu légitimement inspirer, réagir par l’expression d’un soutien inconditionnel au régime chinois serait injustifiable. La lutte anticolonialiste est trop au cœur de notre engagement pour que nous puissions accepter sans réserves les discours sur « l’arriération » du peuple tibétain auquel le régime Chinois aurait apporté développement et modernité. Contrairement à l’Union Soviétique, Etat fédéral où l’élément russe n’étouffait pas les autres nationalités, notamment les peuples d’Asie centrale, la vie politique, économique et culturelle du Tibet, nation historique, est placée sous la domination à tous les niveaux ou presque de Chinois, devenus majoritaires dans le peuplement des villes. Aucun observateur ne le conteste. Pour les communistes, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne saurait souffrir d’exception. Ce n’est en outre pas plus aux Occidentaux (le Dalaï Lama), qu’aux Chinois de désigner les représentants légitimes du peuple tibétain mais à lui seul. Le respect, essentiel, de l’intégrité territoriale de la Chine, ne peut que s’accompagner du respect des droits des nationalités présentes sur son territoire. Cela, nous devons le réaffirmer.
Au-delà des événements actuels, les communistes, l’ensemble des progressistes ne pourront pas faire l’économie d’une analyse de fond sur la question chinoise.
L’émergence de la puissance chinoise s’effectue sur un mode capitaliste mais sous l’impulsion d’un Etat qui a développé une forme de socialisme.
Communistes français, ce socialisme n’a jamais été pour nous une référence, sans même parler de la « révolution culturelle » (qui a en revanche subjugué certains repentis du maoïsme en France que l’on a retrouvés dans les dernières manifestations). Au plan international, nous n’oublions pas qu’il a soutenu les Khmers Rouges (aux côtés des USA) et qu’il a mené une guerre d’agression contre le Viêt-Nam socialiste à peine sorti de sa guerre de libération. Mais la Chine est le plus grand pays qui se réclame du socialisme, son parti dirigeant même du communisme.
Où en est le socialisme en Chine ? L’appel au capitalisme est-il, à la l’image de la NEP (Nouvelle politique économique de Lénine à partir de 1921), mais à une tout autre échelle, un choix pragmatique pour permettre l’essor des moyens de production qui restent ou doivent revenir sous le contrôle de l’Etat socialiste et du peuple ? Ou bien la Chine est-elle en train de devenir une superpuissance capitaliste où subsiste comme élément dirigeant l’appareil d’Etat du socialisme ?
Des réponses à ces questions, qui demandent un important travail d’information et de réflexion, dépendent notre analyse des tensions montantes entre Occident et Chine telles qu’elles se manifestent avant les JO et notre attitude politique.
Occident derrière les USA face à Chine : choc entre deux impérialismes capitalistes, l’un déclinant l’autre montant à terme dangereux pour la paix mondiale ? Ou bien choc entre l’impérialisme et une puissance socialiste émergeant au premier rang?
Un chantier de réflexion avant notre 34ème congrès.
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