Nocivité des "contrats jeune en entreprise" remplaçant le CPE
EMPLOI DES JEUNES : NOCIVITE DES DISPOSITIFS DE « REMPLACEMENT » DU CPE Pour « remplacer » le CPE, le gouvernement propose d’étendre le dispositif des « contrats jeune en entreprise » (CJE) établi par Fillon en juillet 2002. Notre camarade Marie-Claude Beaudeau avait dénoncé au Sénat cette forme dégradée d’emploi et ses effets pervers. Ses interventions restent totalement d’actualité.
Depuis, les CJE ont déjà été étendus au moins de 26 ans (au lieu des moins de 23 ans). Le gouvernement veut maintenant les étendre aux jeunes diplômés au chômage depuis plus de 6 mois. Autre aggravation depuis 2002, les cadeaux de l’Etat aux MEDEF dépassent désormais la déduction de toutes les cotisations sociales restantes. C’est le salaire net des jeunes salariés qui est désormais payé par la collectivité à la place du patron. Bilan du dispositif des « Contrats « jeune en entreprise » - Intervention de la sénatrice Marie-Claude Beaudeau lors de l’examen du Projet de contre-réforme des retraites, 11 juillet 2003 Extrait du Journal officiel Marie-Claude Beaudeau : Cet amendement a pour objet de rendre à la sécurité sociale, en particulier à notre régime solidaire de retraite, les ressources naturelles que les exonérations de cotisations sociales patronales inscrites dans la loi du 29 août 2002 portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise lui ont retirées. Ce texte et la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi constituent les deux dispositifs instaurés jusqu'à présent dans le cadre du processus, que nous avons déjà dénoncé, visant à exonérer toujours davantage les entreprises du financement de la sécurité sociale.
Je rappelle que les contrats jeunes en entreprise, d'une durée de trois ans, concernent les jeunes sans qualification âgés de 16 ans à 22 ans. Les entreprises contractantes, quelle que soit leur taille, bénéficient d'une exonération totale de cotisations sociales, y compris pour l'assurance chômage, même quand il s'agit d'emplois à temps partiel. Le montant des exonérations accordées au titre des contrats jeunes en entreprise représente, en année pleine, 600 millions d'euros, soit un préjudice équivalent pour la sécurité sociale, l'UNEDIC... M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et M. François Fillon, ministre. Mais non ! Mme Marie-Claude Beaudeau. ... ou le budget de l'Etat. M. François Fillon, ministre. Rayez les deux premières mentions, et gardez la troisième ! M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est le budget de l'Etat ! Mme Marie-Claude Beaudeau. En effet, comment cette mesure a-t-elle été financée ? Monsieur le ministre, je vous ai posé, le 3 octobre 2002, une question écrite, à laquelle vous n'avez toujours pas répondu à ce jour, pour vous le demander et pour vous interroger sur les conséquences de la mise en place du dispositif des contrats jeunes en entreprise pour les comptes sociaux, notamment en ce qui concerne l'UNEDIC. Les exonérations sont-elles prises en charge par l'Etat ? L'ont-elles été en 2002 ? Où figurent les crédits correspondants dans le budget de votre ministère ? Les caisses d'assurance sociale ont-elles avancé de l'argent à l'Etat au titre des contrats jeunes en entreprise, et si oui, à hauteur de quel montant ? Je souhaiterais que vous nous répondiez, mais je souligne que la prise en charge des cotisations patronales par les contribuables, c'est-à-dire, à 90 %, par les salariés, ne saurait nous satisfaire. Le préjudice indirect que subissent les comptes sociaux, notamment l'assurance vieillesse, du fait de l'instauration des contrats jeunes en entreprise est également élevé, en raison même de l'inefficacité, voire de la nocivité pour l'emploi et les salaires, de cette mesure, dont nous proposons, par notre amendement, la suppression.
Les contrats jeunes créent ce que l'on appelle un effet d'aubaine, incitant les employeurs à remplacer par ce biais des jeunes d'un niveau égal ou supérieur au baccalauréat ou des salariés un peu plus âgés par des jeunes non qualifiés et moins coûteux, ce qui tire vers le bas l'ensemble de la grille salariale. Afin d'être plus concrète,... M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce serait peut-être utile ! Mme Marie-Claude Beaudeau. ... je vous propose, mes chers collègues, de considérer le cas d'une entreprise qui emploie nombre de jeunes : McDonald's. McDonald's compte 25 000 salariés en France, âgés en moyenne de 22 ans. On peut estimer qu'au moins 10 000 d'entre eux sont éligibles aux contrats jeunes. La direction de l'entreprise n'a certainement pas manqué de les inciter à s'engager dans cette voie. Faisons les comptes : 10 000 fois 225 euros d'aide par mois, cela fait 2,25 millions d'euros par mois, soit 27 millions d'euros par an au bas mot ! Ainsi, grâce à votre mesure, monsieur le ministre, une entreprise comme McDonald's peut se voir subventionnée à hauteur de 27 millions d'euros par an, aux frais de la sécurité sociale et de l'Etat et sans créer d'emplois ! M. François Fillon, ministre. C'est du délire ! Mme Marie-Claude Beaudeau. Certains d'entre vous, mes chers collègues, auront pu lire dans la presse quelles sont les conditions de rémunération de ces jeunes salariés. Pour une grande partie d'entre eux, c'est presque de l'esclavage ! Et quand ils résistent à la politique imposée par McDonald's, ils se retrouvent devant les tribunaux ! Mme Odette Terrade. Eh oui ! Absolument ! Mme Marie-Claude Beaudeau. Il est tout à fait scandaleux que puissent exister dans notre société de telles conditions de rémunération et de travail ! Tels sont les véritables effets de votre dispositif des contrats jeunes en entreprise, monsieur le ministre ! Son incidence sur le chômage est, elle, insignifiante. Les premiers chiffres disponibles, à défaut d'un bilan officiel, le confirment : plus de la moitié des jeunes ayant signé un contrat jeunes occupaient déjà un emploi auparavant, souvent d'ailleurs dans la même entreprise. M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais pas chez McDonald's ! Mme Marie-Claude Beaudeau. Que l'on me permette, en conclusion, de faire part au Sénat de l'analyse d'un conseiller de l'enseignement technologique sur les contrats jeunes en entreprise et la formation hôtelière : « Il manque, dans ce contrat, un volet obligatoire de formation professionnelle. L'exonération des charges sociales de l'employeur devrait le conduire à prendre un jeune non qualifié au détriment d'un diplômé. Ce nouveau contrat ne permet sans doute pas de recruter des jeunes réellement motivés, ce qui est contraire à la valorisation des métiers de l'hôtellerie-restauration. Sans une formation initiale, le jeune risque de demeurer au stade de manoeuvre toute sa vie, car il n'est pas acquis que l'employeur ait la possibilité d'assurer ultérieurement sa formation et son évolution de carrière. » Pour sauvegarder le niveau et la qualité des emplois, les salaires, la formation, donc le financement des retraites, je vous demande, mes chers collègues, de voter notre amendement visant à supprimer l'article du code du travail instituant les contrats jeunes en entreprise. Nous demandons qu'il soit mis au voix par scrutin public.
Bilan du dispositif instituant les contrats-jeunes en entreprise (CJE) Question écrite n° 09350 de Mme Marie-Claude Beaudeau (Val-d'Oise - CRC) publiée dans le JO Sénat du 09/10/2003 - page 3011 Mme Marie-Claude Beaudeau demande à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité de lui communiquer un bilan précis de la mise en oeuvre du dispositif instituant les contrats jeunes en entreprise (CJE) créé par la loi n° 2002-1095 du 29 août 2002. Elle rappelle que ce dispositif d'une durée de trois ans permet aux entreprises de bénéficier du remboursement intégral par l'Etat pendant 2 ans, 50 % la troisième année, des cotisations sociales patronales restant à leur charge pour l'emploi de jeunes sans qualification âgés de seize à vingt-deux ans. Elle a lu dans la présentation du budget de son ministère pour 2004 que 90 000 CJE auront été signés d'ici à la fin 2003 et que 110 000 entrées dans le système étaient envisagées pour 2004. Le coût pour la collectivité s'élèverait à 416 millions d'euros pour 2004 contre 200 millions d'euros en 2003. Au vu de l'ampleur de ces sommes, il lui semble nécessaire que la représentation nationale puisse mesurer l'impact réel du dispositif et notamment l'effet d'aubaine dont peuvent profiter les employeurs à substituer des CJE à d'autres contrats de travail. Aussi elle lui demande combien de jeunes ayant signé un CJE étaient déjà en activité auparavant, combien de CJE correspondent à une création nette de poste. Elle lui demande également d'indiquer quelle proportion de CJE sont à temps partiel et comment ils se répartissent par secteur d'activité. Elle lui demande enfin quelles sont nommément les entreprises, au plan national, qui ont eu jusqu'à présent le plus recours aux CJE. Elle lui fait remarquer que, contrairement à ce qu'il lui a répondu le 11 juillet 2003 dans le cadre de l'examen au Sénat du projet de loi portant " réforme " des retraites, les grands groupes de restauration rapide et de distribution privilégient de plus en plus fréquemment la signature de contrats à durée indéterminée, notamment à temps partiel, pour l'embauche de jeunes salariés à des postes d'exécution pour lesquels les conditions de travail et l'absence de perspectives de carrière entraînent d'elles-mêmes un turn-over très important. Aussi ces entreprises sont susceptibles de faire partie des principales bénéficiaires du dispositif CJE, sans pour autant faire évoluer leurs effectifs. Il n’a jamais été répondu à cette question !
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