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Démantèlement de la médecine du travail (suite). La vie des Services de santé au travail (SST) : du mélange des diplômes à celui des responsabilités.

24 Novembre 2013 , Rédigé par PCF - Section Paris 15ème Publié dans #Médecine du travail - santé au travail

L’actuel ministre du travail, Michel Sapin, entend « que ses services soient très attentifs à l’application de la réforme » que le MEDEF et l’ancien gouvernement ont réussi à faire voter par le Parlement, contre, finalement, l’avis de toutes les organisations syndicales.

Les conséquences, les dégâts annoncés par les médecins du travail se manifestent.

La nouvelle organisation des services de santé au travail renforcent leur dépendance aux employeurs, la mainmise de ses derniers. Les médecins du travail, dont le nombre très insuffisant continue de diminuer, voient par ailleurs leurs missions diluées, confiées à d’autres catégories de personnel que ne bénéficient ni de leur compétence, ni de leur statut de travailleur protégé (des pressions patronales).

Nous reproduisons le communiqué du 10 novembre 2013 du groupement « Sauvons la médecine du travail » (http://www.slmt.fr  )qui analyse, exemples à l’appui, la nouvelle situation. Il continue leur lutte, notamment le travail de sensibilisation des sections et militants syndicaux devant ce recul grave pour l’ensemble des salariés.

 

La vie des Services de santé au travail (SST) : du mélange des diplômes à celui des responsabilités.

 

« Rattaché directement à  la direction de l’établissement  le médecin du travail  (h-f) prend en charge les  salariés de son secteur, le  candidat collabore avec  une équipe composée de 3  médecins du  travail, 4  infirmières,  4 secrétaires  médicales, 1  ergonome, 4  assistants  sociaux et 6  préventeurs  […]  parmi ses  missions  développer et  coordonner  des actions  sur le terrain  pour supprimer  et/ou  réduire les risques professionnels  existants ». Cette  annonce attrayante s’inscrit  dans la ligne des dispositions  légales et réglementaires  nouvelles. De  conseiller de l’employeur  et des salariés, le futur  médecin du travail qui  sera embauché sur ce  poste sera « rattaché directement  à la direction »  pour ce qui concerne son  secteur. Il devra collaborer  avec une équipe de 3  confrères et 19 intervenants  divers dont on  ignore qui la dirige. Serait-  ce le directeur qui  décidera de la nature des  « actions sur le terrain »  dont il sera chargé ? La  mission du futur collègue  consistera-t-elle à les mettre  en œuvre ? 

Le salarié qui consultera  ce confrère lors d’une visite  sera bien en peine de  distinguer en sa personne  le médecin du travail  chargé de préserver exclusivement sa santé au travail, du subordonné de  l’employeur !

Il est même possible qu’il  ne rencontre pas un médecin  du travail mais un médecin  collaborateur ou un  interne. En effet, ces professionnels  en formation  peuvent remplacer le médecin  du travail pendant  un arrêt de travail  « lorsque la durée de l’absence  est inférieure  à trois  mois » (Art. R.  4623-15) ou  « dans l’attente  de la prise de  fonction d’un  médecin du  travail » (Art.  R. 4623-28). Le  salarié consultant  ne pourra  pas alors imaginer  que le  porteur de stéthoscope  qui  l’interroge « ne  dispose ni de la  protection contre la rupture  de son contrat de travail  dont bénéficie le (vrai)  médecin du travail, ni du  libre accès aux lieux de  travail réservé au (vrai)  médecin du travail »1. Il  aura du mal à comprendre  que le médecin collaborateur  puisse, comme remplaçant  du médecin du  travail « exercer pleinement  les missions de médecin  du  travail »,  mais, lorsqu’il  ne le  remplace  pas, « ne  peut pas  prendre de  décisions  médicales  assignées  par le code  du travail  aux médecins  du  travail qui  sont susceptibles  de faire l’objet de contestation  »1

131124_fiche_d-aptitude.pngLe salarié qui viendra au  SSTI pour une visite régulière  pourra être pris en  charge par une infirmière,  et non par le médecin. S’agira-  t-il d’un examen paramédical  réalisé dans le  cadre des pleines prérogatives  de l’infirmière et  sous son entière responsabilité? Ou d’un examen  « de nature médicale » réalisé  par l’infirmière dans  le cadre d’activités  confiées par le médecin du  travail sous sa responsabilité  et dans le cadre de  protocoles écrits prévus à  l’article R.4623-14 du code  du travail ? Personne ne  dira à ce salarié que les  protocoles en question  n’existent pas. Personne  ne lui fera savoir que les  personnels paramédicaux  ne peuvent en aucune manière  être crédités de compétences  médicales, lesquelles  ne sont reconnues  qu’aux seuls médecins.  Enfin, il n’imaginera pas  que l’infirmière à laquelle  il se confie ne dispose  d’aucune protection effective  contre les pressions  patronales. A la fin de  l’entretien, un document  signé par l’infirmière lui  sera remis sans aucun  avis ni aucune préconisation  concernant son poste.  Comme l’avis d’aptitude  du médecin du travail et  l’attestation  d’entretien  infirmier  se ressemblent  à s’y méprendre,  il pourra les confondre.  C’est dommage, car ce document  infirmier, contrairement  à l’avis médical, ne lui apporte aucune garantie. Il ne  sert qu’à l’employeur pour répondre  de ses nouvelles « obligations » en  matière de santé au travail. Il est  même possible (notre illustration)  qu’un quidam au statut inexistant de  « stagiaire en santé au travail » se  permette de signer un avis d’aptitude  médicale. 

Il pourra s’agir d’un « préventeur »  comme les 6 présentés dans l’annonce  ci-dessus. Ces personnels  pourront interroger les salariés sur  leurs conditions de travail, leurs vécus  professionnels et même sur leurs  difficultés personnelles, familiales,  voire intimes. Les questionnaires de  ce type fleurissent, notamment pour  la soi-disant prévention des risques  dits « psycho-sociaux ». Parmi ces  personnels, certains seront qualifiés,  d’autres non. Certains seront salariés  du SSTI, d’autres des intervenants  extérieurs. Que leur statut soit  libéral ou salarié d’une entreprise de  conseil, ils auront été choisis par  l’employeur ou son représentant,  le directeur  du SSTI. 

Le mystérieux salarié qui « apporte son aide  à l’employeur pour la  gestion de la santé et  de la sécurité au travail  » (L. 4644-1 et  R.4644-1 du code du  travail) pourra, comme  salarié du SSTI, se  prévaloir de son organisation.  Mais en aucune  manière d’une  caution du médecin du  travail. En effet, celui-ci  ne dirige ni l’équipe pluridisciplinaire,  ni aucun de ses membres. Le  mystérieux salarié peut également  être choisi parmi les salariés de l’entreprise.  Alors, un contrat signé avec  l’employeur définira sa mission d’ersatz  de CHSCT. Il se verra  « garantir » par son employeur qu’il  « ne peut subir de discrimination en  raison de ses activités de prévention  [et qu’il] assure ses missions dans des  conditions garantissant son indépendance  » (Art. R. 4623-37). Les membres  de CHSCT authentiques apprécieront. 

Dans l’entreprise, les salariés verront  surtout, car le médecin du travail  risque d’être « trop pris » pour  effectuer ses 150 demi-journées par  an (Art. R. 4624-4) d’étude des conditions  de travail, de nouveaux acteurs  chargés d’identifier ou non les risques  professionnels. Il pourra s’agir  d’un assistant en santé au travail,  profession indéfinie et non qualifiée,  mais qui « contribue également à repérer  les dangers et à identifier les  besoins en santé au travail, [...] participe  à l’organisation, à l’administration  des projets de prévention et à la  promotion de la santé au travail et  des actions du service dans ces mêmes  entreprises » (Art. R. 4623-40).  Les infirmières pourront également  intervenir dans ce champ d’activité,  soit dans le cadre de « leurs missions  propres », [soit dans celui de] « celles  définies par le médecin du travail,  sur la base du protocole » (Art. R.  4623-30). Aux salariés de faire le tri.  Pour le moment, en l’absence totale  de ces fameux protocoles, toutes ces  initiatives ne bénéficient d’aucune  garantie. 

Même la pseudo gouvernance paritaire  des SSTI peut aboutir à des  situations cocasses. La loi prévoit  (Art. L. 4622-11) « un conseil  [d’administration (CA)] composé [en  nombre égal]: De représentants des  employeurs […] De représentants des  salariés. ». Chacun étant désigné par  ses mandants. « Le président est élu  parmi les représentants des employeurs  », [et] Le trésorier est élu  parmi les représentants des salariés  ». Mais par qui ? Le Medef, à  l’origine de la loi, des décrets et de la  circulaire, n’a pas oublié la nature  associative des SSTI. Ils sont toujours  dirigés par l’assemblée générale  (AG) des employeurs adhérents.  Ce sont ces AG qui définissent les  orientations et la politique du SSTI  et qui chargent le CA de les appliquer. 

En ce qui concerne le Conseil d’Administration,  les employeurs participent  à l’élection du trésorier (salarié)  et sont en capacité d’imposer leurs  vues, puisque le Président  (employeur) dispose d’une voix prépondérante. 

En ce qui concerne la Commission de  Contrôle, le courrier adressé au Président  de l’ASTA par la DIRECCTE  de MIDI-PYRENEES, en janvier  2013, est édifiant : « Il doit être fait  application des statuts de l’Association  adoptés lors de l’assemblée générale  extraordinaire en date du 28  juin 2012. Ainsi, selon l’article 14-2 :  le président de la commission de  contrôle est élu par l’ensemble de ses  membres parmi les représentants des  salariés ». En revanche, la DIRECCTE  croit devoir ajouter que  l’article D.4622-40, relatif au règlement  intérieur de la commission de  contrôle, prévoit qu’il précise « les  modalités selon lesquelles les représentants  des employeurs désignent  parmi eux le secrétaire de la commission  ». Ainsi, pour la DIRECCTE  de MIDI-PYRENEES, le  paritarisme doit distinguer, parmi  ses membres les dominants et les  dominés. Comme le ministre du  travail, M Sapin, veille à ce que ses  services soient très attentifs à la  mise en application de la réforme 3,  nul doute que cette lecture particulière  des textes et du paritarisme ne  lui a pas échappé. Les salariés savent  maintenant que, dans cette  forme de paritarisme nouveau validé  par le ministre, leurs représentants  sont désignés par leurs employeurs. 

 

1 Circulaire du 9 novembre 2012  2 Le mystérieux salarié qui « apporte  son aide à l’employeur pour la gestion  de la santé et de la sécurité au  travail » Thomas KAPP, Le Droit  Ouvrier Avril 2012 n° 765  3 Sa réponse du 22/11/2012 aux questions  écrites des députés Alain Bocquet,  et Daniel Boisserie,  (communiqué SLMT n° 27)  Le 10 novembre 2013  Groupement national Sauvons la  médecine du travail  contact@slmt.fr  http://www.slmt.fr 

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