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Finir de gagner le rejet du projet de déstructuration de la médecine du travail !

12 Octobre 2009 , Rédigé par PCF - Section Paris 15ème Publié dans #Médecine du travail - santé au travail

A plusieurs reprises, nous avons informé sur ce site des discussions entre patronat et syndicat, commanditées par le gouvernement en 2008, pour « réformer » la médecine du travail.

 

Elles se sont achevées le 11 septembre 2009.

Le protocole d’accord correspond, malgré quelques modifications, au projet initial du Medef.

Le Medef entend toujours vider la médecine du travail de ses prérogatives pour préserver la santé des salariés et prévenir les risques professionnels.

Il voudrait encore réduire la fréquence des consultations médicales, tous les trois ans au lieu de deux, éloigner les médecins du travail de l’entreprise, leur substituer d’autres acteurs non médicaux et non protégés par leur statut, revenir sur toutes les conquêtes et l’esprit de la loi de 1946 que l’on doit au ministre communiste Ambroise Croizat.

 

Les organisations syndicales, toutes ou presque, devraient refuser de l’approuver et, donc, le rendre caduc. La CGT se prononcera le 20 octobre mais dénonce déjà des « éléments de reculs inacceptables ».

 

Le rejet de la plupart des syndicats n’était pas gagné d’avance. Il ne l’est peut-être pas entièrement encore.

Même s’il est sûr que l’actualité dessert le patronat sur ce sujet.

Le gouvernement ne peut pas prétendre appeler à des négociations sur le « stress au travail », après la médiatisation des conditions d’exploitation des salariés dans plusieurs entreprises emblématiques, et couvrir un projet qui élimine l’acteur principal de son dépistage.  

 

Mais même si la contre-réforme prévue est mise en échec, la nécessité de la lutte reste entière pour que cessent la baisse constante du nombre de médecins du travail et l’extinction organisée par le pouvoir de cette spécialité médicale.

 

Nous reproduisons ci-dessous les dernières analyses du collectif « Sauvons la médecine du travail » qui a contribué à ce que les « négociations » ne se passent pas en catimini.

 

Il n’y a pas d’accord. Le texte du MEDEF est mort-né. : les communiqués syndicaux

 

Communiqué de presse n° 5 du Collectif « Sauvons la médecine du travail »

 

Le rejet unanime du projet de « modernisation de la médecine du travail », élaboré par le  MEDEF, était la première condition indispensable à la rénovation de la prévention médicale des risques professionnels. C’EST FAIT.

Les 9 mois de négociation et les 8 séances de discussion entre les partenaires sociaux sur ce protocole commandité par  Xavier BETRAND, alors ministre du travail, se soldent par un échec. La proposition très cohérente du MEDEF  visait à détruire les fondements actuels de la prévention des risques professionnels issus de la loi Croizat de 1946. Son rejet par l’ensemble des syndicats doit être pris en compte par le gouvernement et le législateur.

La démédicalisation, entérinée par ce protocole d’accord, aurait abouti à la disparition de la seule spécialité médicale dont l’objet est le lien entre la santé et le travail. Le protocole organisait le remplacement des médecins par des infirmiers, sans statut protégé et sans compétence médicale. Les organisations syndicales l’ont refusé. « Nous n’acceptons pas que la pénurie des médecins du travail justifie une médecine « au rabais » pour les salariés et un affaiblissement de la prévention des risques professionnels » (FO). « La CFDT interpelle le gouvernement pour [...] qu’il se saisisse de la question de la démographie médicale ». « La CFE-CGC interpelle les pouvoirs publics dans leur responsabilité de formation des médecins en nombre suffisant ». « Le rôle des infirmières [...] serait lui étendu essentiellement faute de médecins du travail en nombre suffisant » ( CFTC.)

S’en remettre au patronat, c’est ce principe que le protocole avait pour objet d’inscrire dans la loi. Actuellement, la loi confie aux médecins du travail les missions de prévention médicale des risques professionnels. Les employeurs doivent leur en fournir les moyens (locaux, personnels, matériels, examens, organisation et formation continue). Le MEDEF proposait de changer cette loi, en transférant ces missions aux directeurs des services interentreprises de santé au travail (SST), c’est-à-dire aux employeurs eux-mêmes. Leurs Conseils d’Administration devaient être composés majoritairement d’employeurs (2/3) ; les  commissions de contrôle, dépossédées de leurs prérogatives, notamment en ce qui concerne le droit d’opposition à la mutation ou au licenciement des médecins du travail, alors que ce droit d’opposition  doit être étendu de façon à ce que tout « Intervenant en Prévention des Risques Professionnels » bénéficie d’un statut de « salarié protégé ». L’indépendance professionnelle exige que les préventeurs soient à l’abri des pressions de ceux qui les paient.  Pour reprendre les termes de la CFE-CGC, il se serait agi du « détournement d’un système qui doit être au seul service de la santé des salariés ».

Une prestation dégradée. Pour le MEDEF, les salariés n’ont pas vraiment besoin de médecin s’ils ne sont pas malades. Ils ont encore moins besoin d’un médecin spécialisé, le médecin du travail, qui connaisse leurs conditions de travail et les liens avec leur santé. C’est ainsi qu’il proposait de faire de la prévention sans examen médical des salariés, en espaçant les visites tous les 3 ans, avec des aménagements de cette règle en fonction des ressources médicales, des bassins régionaux d’emploi, et de la nature du salariat (précaires, intérimaires, salariés de particuliers employeurs). Il était prévu le remplacement des obligations réglementaires par des recommandations facultatives, et la disparition des « quotas » (maximum de salariés ou d’entreprises en charge ou d’examens pratiqués par médecin du travail plein temps). Dès lors, FO en appelle « au sérieux ; le passage d’une visite annuelle à une visite bisannuelle n’a pas sauvé la médecine du travail et a même déresponsabilisé l’état en matière [..] du développement de la spécialité. [..] Comment détecter les risques émergents le plus en amont possible s’il n’y a plus de visite médicale régulière et rapprochée ? Comment détecter les risques psychosociaux si les salariés ne sont pas vus régulièrement par le médecin ? ». Pour la CFE-CGC « Les employeurs proposent que les salariés puissent rencontrer leur médecin du travail tous les 3 ans, voire plus si une dérogation régionale est accordée. Au delà des traitements différents des salariés suivant les régions les dispositions [..] vont  modifier considérablement le système de santé au travail au détriment des salariés surveillés ». Pour la CFDT, une des faiblesses du texte réside dans « l’espacement de la visite obligatoire à trois ans sans garanties significatives »".

L’aptitude et l’inaptitude définies du point de vue patronal. Actuellement ces notions n’ont pas de définition légale. Le médecin du travail les apprécie au cas par cas, en fonction des risques pour la santé que le salarié encourt du fait de son poste de travail. Le protocole du MEDEF proposait une définition écrite dépendant exclusivement de la capacité du salarié à effectuer la totalité des tâches prescrites. Cette définition binaire qui a le mérite d’une "simplicité" radicale (apte ou inapte), revenait à supprimer toute notion, même élémentaire, d’aménagement de poste et d’adaptation des tâches à l’homme. C’était un recul social programmé par le biais, ainsi que le souligne la CFDT,  d’une « définition trop large de l’inaptitude ».

Une voie express pour le licenciement des malades. La proposition d’accord du MEDEF prévoyait que le médecin conseil déclenche une procédure obligatoire de retour au travail pendant l’arrêt de travail. L’employeur serait libéré de ses obligations de reclassement dès la visite de reprise. Après cette visite unique, et dans un délai de 21 jours (pendant lesquels l’indemnisation resterait à la charge de l’assurance maladie), le salarié déclaré inapte selon les critères du  MEDEF serait licencié. Les voies de recours, aujourd’hui possibles auprès de l’inspection du travail, seraient renvoyées à des dispositions non précisées. FO souligne que « La remise en cause de la procédure d’inaptitude n’a rien à faire dans un accord traitant de la modernisation de la médecine du travail », et s’insurge « contre le refus des employeurs de prendre leurs responsabilités en se défaussant sur la sécurité sociale [...] c’est aux employeurs de payer les salariés en attente de licenciement [...] pas encore en situation de chômeur, mais toujours avec un contrat de travail ». La CFTC précise : « L’initiative des arrêts de travail de longue durée conduisant à l’inaptitude reviendrait au médecin conseil de la sécu, et non plus au médecin du travail qui ne ferait que siéger dans une commission qui gère les inaptitudes. Ce qui au passage ne ferait que pousser davantage le salarié vers la porte de son entreprise et non favoriser son maintien dans l’emploi ».

La décision officielle de la CGT ne sera connue que le 20 octobre, mais la délégation s’est prononcée défavorablement.

Le protocole du MEDEF, mort-né après 9 mois de gestation, est sorti par la porte. Il ne doit pas revenir par la fenêtre. Le ministre du travail, Xavier DARCOS, annonce son intention de reprendre le sujet. Il doit le faire en tenant compte de ce rejet unanime des représentants des salariés et des avis des médecins du travail.

Avant tout, il faut inverser la démographie des médecins du travail.

Le gouvernement doit prendre des mesures pour assurer rapidement les moyens d’un réel exercice préventif moderne pour tous les salariés (des entreprises du secteur privé et du secteur public.) Ce sont les médecins du travail qui doivent rester maîtres d’œuvre de cette prévention médicale des risques professionnels.

La pluridisciplinarité des actions préventives est indispensable. Elle ne doit pas être le  prétexte pour organiser la dégradation des moyens et de la qualité de la prévention professionnelle. C’est aux professionnels, dans les SST, de concevoir et d’organiser cette dernière, sous la coordination du médecin du travail. Ils doivent aussi obtenir des garanties d’indépendance, quel que puisse être le mode de gouvernance adopté.

La définition de l’aptitude et de l’inaptitude questionne non seulement des principes médicaux, déontologiques et éthiques mais également les principes juridiques (responsabilité patronale ou validité des contrats de travail). Elle est une authentique question politique relevant d’un débat parlementaire. S’il faut inscrire dans la loi les critères de validité « médicale » d’un contrat de travail, c’est par une proposition de loi qu’il faut le faire. Car cela dépasse  le cadre d’un accord patronat - syndicats. La santé ne peut être négociée et faire l’objet d’un contrat.

La direction, la gestion, la gouvernance, le contrôle social des SST sont également des questions politiques qu’il convient de débattre comme telles. On ne peut pas s’en remettre aux seuls employeurs pour la prévention médicale des risques professionnels. Les employeurs sont responsables des risques professionnels. Ils doivent assurer les coûts de leur prévention médicale et technique en fonction des risques et du nombre de salariés qui y sont exposés. Le financement de la prévention des risques professionnels doit être, comme l’a voulu le législateur de 1946, déconnecté de tout système assurantiel, fût-il celui de la sécurité sociale.

Certes, les effets du travail sur la santé ont une dimension collective, mais leur prévention ne relève pas pour autant de la santé publique, car seuls les responsables des conditions de travail doivent assumer les conséquences financières, civiles et pénales des risques professionnels auxquels le travail expose les salariés.

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