Par millions dans les rues, neuf fois, et maintenant ?
Par millions dans les rues, neuf fois, et maintenant ?
Mettre le PCF à la hauteur de ses responsabilités
Le pouvoir fait comme s’il avait gagné la bataille des retraites. Ça été beaucoup plus long qu’il ne l’espérait. La loi Woerth n’a pu être promulguée ni avant l’été, ni à la rentrée, mais seulement une nuit de novembre.
Le remaniement a eu lieu avec 5 mois et demi de retard. Loin d’être un acte anodin ou seulement politicien, il montre comment le pouvoir se met en ordre de bataille pour aller encore plus loin et plus vite dans la casse structurelle des acquis sociaux et démocratiques, sans attendre 2012.
Ce n’est pas un hasard si l’on retrouve côte à côte les auteurs du plan Juppé de 1995, de la loi Fillon de 2003, des décrets Bertrand de 2007 sur les franchises médicales ou contre les régimes spéciaux.
Sur un ton soudain plus modeste, Sarkozy annonce les prochains mauvais coups : une fiscalité encore plus injuste, une loi sur la dépendance synonyme d’augmentation de la CSG et d’affaiblissement de l’assurance maladie. Le plan de suppressions d’emploi par dizaines de mille continue dans la fonction publique, le pôle emploi, comme le train de la marchandisation et des privatisations des services publics (électricité avec la loi NOME).
Il y a aussi ce qui n’est pas annoncé. Suivant les exemples grecs ou irlandais, ou plus directement britannique, le nouveau gouvernement est prêt à utiliser une crise de l’euro, une offensive de la finance et des fameuses agences de notation pour serrer la vis encore plus brutalement.
La loi Woerth a été promulguée. Pourtant elle a rencontrée une résistance tout à fait considérable parmi les travailleurs et l’ensemble de la population. La convergence des luttes s’est faite pour défendre les retraites/ Les manifestants, jusqu’à trois millions, ont été plus nombreux dans bien des villes qu’en 1995 ou même en 1968. L’opposition à la loi a atteint des records, 70%, dans une opinion publique qui majoritairement accuse le capitalisme.
Vraiment, le pouvoir n’a pas gagné la bataille des idées. Mais la loi Woerth a quand même été promulguée, avec la fin, hautement symbolique de la retraite à 60 ans, et le nouveau gouvernement est sur le pied de guerre.
Le 28 octobre et le 6 novembre, nous nous sommes quittés proclamant : « nous ne lâcherons pas ». Les agents du nettoiement de plusieurs villes ont continué, avec succès, le mouvement. Les agents du Pôle emploi ont aussitôt embrayé avec une grève suivie à plus de 50%. Un formidable élan de solidarité s’est développé autour des secteurs qui suivi une grève reconductible, comme les ouvriers des raffineries. Et il ne s’agissait pas de grève par délégation, par procuration mais d’assurer la continuité du mouvement et de créer les conditions d’un élargissement de la grève parce qu’elle frappe au cœur les commanditaires patronaux de la contre-réforme des retraites. Les entreprises du CAC se préparent à enregistrer 86 milliards d’euros de profits pour 2010, 10 fois le déficit de l’assurance vieillesse.
Et maintenant ? C’est un peu comme si la bataille décisive n’avait pas eu lieu.
Va-t-on laisser le pouvoir jouer sur la résignation, enfermer à nouveau le débat dans le cadre strictement institutionnel de 2012, avec ses primaires « à gauche » se concours de miss avec éventuellement quelques promesses comme faire-valoir ?
Pour ceux qui comme nous ont été pleinement dans le mouvement, ces heures doivent être celles de la réflexion pour repartir tout de suite dans la lutte.
Comme nous l’avions constaté déjà en 2003, la stratégie des journées d’action étalées n’a pas réussi en 2010 encore à mettre en échec le projet du gouvernement.
Certaines organisations n’ont pas caché leur jeu. La CFDT a fait voter expressément à son congrès de juin son acceptation de l’allongement de la durée de cotisation. La CGC a accepté depuis le départ le passage de l’âge de départ à 62 ans.
La recherche de l’unité des organisations comme préalable a abouti à une ligne nationale et une stratégie d’action très en deçà des possibilités du mouvement, permettant en outre à chaque organisation de se défausser sur les autres. Nous devons mettre en discussion cette hypothèse, même s’il s’agit des organisations syndicales. Le contraste entre le nombre dans les manifestations et la relative faiblesse des taux de grévistes appelle aussi toute notre attention. Les taux faibles à la RATP, en retrait à la Poste, à la SNCF ou dans l’éducation nationale ne reflètent-ils pas les expériences négatives de la conduite des conflits antérieurs ?
Concernant les organisations politiques, on retrouve la même situation. Le PS s’est littéralement posé le long des manifestations attendant que le mouvement atterrisse, attendant que l’objectif 2012 revienne en haut de l’actualité. Il s’est à peine caché de partager sur le fond tous les présupposés de la loi Woerth, souhaitant juste le maintien du droit virtuel au départ à 60 ans. On connaît le PS : il a dégagé une aile « gauche » préférant 40,5 annuités plutôt que 43. Au Parlement européen, le 15 octobre, les députés PS (Désir, Bérès…) et Verts (Cohn-Bendit, Joly…) votaient avec la droite la fin de la retraite par répartition et l’avènement d’un pilier de capitalisation.
Le PS, mais aussi l’unité syndicale ont joué à fond le virage du mouvement vers un antisarkosysme général plutôt que la convergence des luttes pour le retrait de la loi Woerth. Le défaut de perspective politique, autre que 2012, est un facteur d’échec de la lutte. Là aussi, nous devons mettre cette affirmation en discussion.
Et notre parti, le PCF ? Le constat est double.
Au niveau des fédérations, des sections, des cellules, partout, dans les manifestations, aux portes des entreprises, dans les quartiers, nous avons vécu l’attente à l’égard du Parti, souvent la recherche explicite du Parti attendu comme force de proposition et comme organisation. Les badges avec faucille et marteau se sont arrachés comme identifiants forts dans les manifs.
Au plan national, la ligne de la direction est restée plusieurs pas derrière le mouvement engoncée dans sa stratégie de « front de gauche » pour préparer la victoire de « toute la gauche » en 2012.
Il a fallu attendre fin octobre pour qu’enfin les tracts nationaux reprennent la revendication préalable, si évidente, de « retrait du projet de loi ». Les positions du parti sont restées floues notamment sur la question essentielle, par rapport au PS, de la durée de cotisation : pas d’allongement, c'est-à-dire 40,5 annuités, « dépassement » de la question ou abrogation des lois Balladur de 1993 et retour aux 37,5 annuités comme nous sommes nombreux à l’avoir porté. Tout a été placé au niveau du travail des élus, certes utile mais ramenant tout au Parlement, à la proposition de loi absconse des députés PG et PCF.
Enfin, la priorité nationale a été mise sur l’affirmation, plaquée méthode Coué, du « Front de gauche ».
Le récent mouvement vient d’illustrer combien cette stratégie d’effacement du Parti et de ses positions, d’alliance, sinon d’alignement sur tout ou partie de la social-démocratie est erronée.
Le « congrès » anti-statutaire de juin 2010 a imposé le principe de candidature commune du Front de gauche pour les élections de 2012. Voilà notre parti, à son tour, entraîné dans le concours de miss avec le bateleur Mélenchon, d’un opportunisme à faire se retourner une girouette, maintenant avec un André Chassaigne, adepte de la « gauche unie », candidat de lui-même mais adoubé par la direction pour canaliser les communistes. Quel gâchis !
Et le programme ? Ne serait-il pas temps, tirant les enseignements du mouvement, de redéfinir celui du PCF avec tous les communistes ? Si ! Et non d’annoncer un « programme partagé » avec la même mouvance des collectifs antilibéraux qui n’aura de « populaire » que la prétention à parler à la place du peuple et à nier la pertinence de la forme « parti » et du PCF.
Cette ligne est grave. Devant les attentes du mouvement social, les luttes qui continuent à se développer, les communistes, dans leurs organisations du PCF, doivent, plus que jamais, faire vivre et renforcer leur parti suivant sa raison d’être, sans attendre de sauveur.
La bataille des retraites n’est pas finie alors que commence juste l’attaque sur les complémentaires. De nouvelles batailles se préparent pour la défense de l’emploi, de l’industrie, de l’hôpital. La disponibilité de notre peuple est réelle à entendre un langage révolutionnaire conséquent, basé sur les réalités de la lutte.
Plus que jamais, faisons vivre et renforçons notre parti le PCF.
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